L’abbé Maurice Cousin était le jeune vicaire d’Ascq entre 1941 et 1944. Il était d’allure sportive (certains Ascquois parlent encore de lui parcourant les rues d’Ascq en vélo, de tout temps, la soutane au vent), très engagé auprès de la jeunesse ascquoise de l’époque (il assurait le « patronage » et autres activités le jeudi, vaqué, pour les jeunes du village), était proche des mouvements ouvriers des usines avoisinantes, et probablement novateur dans une Eglise qui ne ressemblait pas encore à celle d’aujourd’hui.
Il habitait la maison au n° 1 rue de l’Abbé Cousin; il dormait dans la chambre qui aujourd’hui est devenue le bureau de notre secrétaire, Mme Pollet ; travaillait dans le bureau occupé aujourd’hui par Mr Degand, Chef d’établissement ; accueillait les enfants et les adolescents dans les classes actuelles de CM2 et CM1, qui étaient à l’époque deux grandes salles d’activité et de théâtre.
Durant la guerre 1939-1945, on lui suppose des activités de résistance passive à l’occupation allemande, puisqu’il était tout à fait le genre d’homme à se battre pour la bonne cause et pour autrui, parce que certaines personnes l’ont évoqué à mi-mots, et surtout parce qu’on a retrouvé, de nombreuses années plus tard, des armes stockées et cachées au fond d’une cave particulièrement inaccessible sous les actuelles classes de CM2… Néanmoins, Il semble certain qu’il n’ait absolument pas participé, ni qu’il eut été informé du sabotage de la voie de chemin de fer qui provoquera le tristement célèbre Massacre d’Ascq et qui lui coûtera la vie, ainsi qu’à 85 autres habitants de sa Paroisse.
En cette soirée du 1er avril 1944, il est certainement plus préoccupé par la messe des Rameaux du lendemain que par une quelconque action de résistance. Il se couche tôt, est réveillé vers 23h par des cris dans la rue. Il se lève, regarde par la fenêtre, aperçoit un voisin, Mr Descamps, malmené et battu par des soldats SS, enfile sa soutane, descend secourir le pauvre homme. Mal lui en prend, car les SS n’avaient pas vu la maison, dissimulée à l’époque par un grand mur et de grands arbres, et ne s’étaient pas arrêtés à cette porte. Il a 37 ans, ne tolère pas l’injustice, reste dévoué à son prochain.
A peine le portail donnant sur la rue de l’Amiral Courbet franchi (aujourd’hui rue de l’abbé Cousin), les soldats SS, âgés en moyenne de 17 à 20 ans, s’amusent de cet homme en robe, et s’acharnent violemment, sans retenue. L’abbé Cousin sera battu à mort. Il restera étendu sur le sol toute la nuit dans une mare de sang. Son corps ne sera découvert qu’au petit matin, les os de chaque membre brisés par les crosses des mitrailleuses. Il sera le seul massacré d’Ascq non identifiable, non reconnaissable, tellement son visage est défiguré. Le voisin, lui, a été fusillé sur le Tertre, avec ses pauvres concitoyens.
L’abbé Maurice Cousin repose aujourd’hui dans le cimetière d’Ascq, au côté de l’abbé Gilleron, prêtre massacré dans le presbytère du village durant cette épouvantable nuit des rameaux 1944. Lorsque l’abbé Cousin prononça ses vœux lors de sa messe d’intronisation en 1933, il tint ces paroles : « Je ne demande pas la grâce de vivre longtemps, mais de vivre pleinement » . Était-ce prophétique ? C’est, en tout cas, ainsi qu’il vécut. Cette même phrase fut inscrite en entête de son faire-part de décès en 1944, et reste inscrite sur la plaque commémorative inaugurée par Mr le Maire Jean-Marie Stievenard en 2004, sur le fronton de l’école, à l’occasion du 60ème anniversaire de sa disparition.